Lynne McTaggart est une journaliste scientifique américaine, auteure de six livres dont La Science de l’Intention et Le lien quantique. Elle est éditrice du magazine What doctors don’t tell you (Ce que les médecins ne vous disent pas). Dans son travail, elle s’intéresse aux découvertes scientifiques récentes et à la manière dont elles nous obligent à repenser la réalité. Lors d’un récent passage à Paris, elle a répondu aux questions d’iRiS sur les capacités intuitives.
Habituellement, l’intuition est définie comme l’accès instantané à l’information, sans raisonnement. Quel serait votre définition de l’intuition ?
Lynne McTaggart : L’intuition a trait à la manière dont nous pouvons percevoir une information qui se trouve en dehors de nous. Je pense que nous avons tous cette capacité ; certains sont plus doués que d’autres, comme on peut être plus doué pour jouer du piano. Mais avec de la pratique, n’importe qui peut le faire ; n’importe qui peut apprendre à puiser dans cette information qui est là, au-delà des sens.
Avez-vous un exemple frappant d’épisode intuitif ?
On m’a demandé de percevoir un objet dans un sac, dans un paquet, emballé comme un présent. La première chose qui m’est venue à l’esprit est le mot « candy » (littéralement « friandise »). Mais je l’ai écarté car en Angleterre où je vis, le mot « candy » désigne les bonbons (« sweets »); ensuite, j’ai « vu » quelque chose d’ovale, et comme je portais une broche ovale à ce moment-là, j’ai pensé « ah, ce doit être un bijou ». J’ai donc laissé mon cerveau cognitif essayer de raisonner et de déterminer de quoi il s’agissait. Mais quand ils ont ouvert le paquet, il y avait à l’intérieur une friandise en chocolat de forme ovale ! La première information que j’avais reçue était correcte mais mon cerveau cognitif avait créé une interprétation analytique qui était fausse.
Pouvons-nous collecter cette information lorsqu’elle est éloignée dans le temps et dans l’espace ?
Nous collectons en permanence des informations sur le futur, et il s’ensuit que le futur affecte le présent. C’est ce qu’ont montré les travaux de Dean Radin, qui est chercheur à l’Institute of Noetic Sciences (Institut des Sciences Noétiques). Il y a aussi des recherches qui montrent que nos intentions présentes peuvent affecter des choses qui se sont produites dans le passé. Nous avons l’idée que le temps est linéaire. Mais de plus en plus les scientifiques considèrent le temps comme un grand « maintenant », et l’espace un grand « ici », tous les points de l’espace et du temps étant représentés dans un seul instant. Peut-être toute l’information du monde est-elle déjà contenue à l’extérieur, dans un champ -le champ du point zéro- et que nous ne faisons qu’y accéder. C’est l’un des scénarios possibles.
Vous évoquez l’idée d’un champ, dit du point zéro, qui agit tel un cryptogramme géant qui contiendrait toute l’information du monde – chaque paysage, chaque odeur, chaque son. Que voulez-vous dire ?
J’aime l’idée d’un espace vide grouillant d’activité, j’aime aussi l’idée qu’un champ soit en quelque sorte le vaisseau mère pour toute l’information à laquelle nous accédons parfois. Beethoven parlait de sortir dehors dans les bois et de trouver la mélodie avant qu’un autre la trouve. Cela voulait dire qu’il la « téléchargeait » à partir du champ. Je le conçois de cette façon : un champ de tous les possibles, contenant toutes les informations, dans lequel nous puisons, à la manière d’une télévision qui se connecte à une chaîne.
Avec de l’entraînement, serions-nous capables de « télécharger » plus d’informations du champ ?
Je le pense. Je vois des gens pratiquer ces petits exercices durant mes ateliers, et ils s’améliorent, même lorsqu’ils ne l’on jamais fait auparavant. Je pense que nous avons tous la possibilité d’accéder à de l’information au-delà de nos sens. C’est évident dans d’autres contextes. Regardez les cultures indigènes. Ils l’utilisent tout le temps, pour la guérison, et pour la vie de tous les jours. Ils vivent avec un potentiel humain bien plus développé que nous.
Qu’est ce que l’information selon vous ?
Au niveau subatomique, nous dansons avec elle tout le temps. Les particules subatomiques ont des échanges les unes avec les autres en permanence. Et elles créent des particules virtuelles sans cesse. Il y a donc un échange continuel d’information. Beaucoup de théoriciens, comme Karl Pribram, Stuart Hameroff, en sont venus à penser que l’information n’est pas stockée dans notre cerveau, et que ce dernier agit comme un mécanisme de réception de l’information qui se trouve à l’extérieur de lui.
Il semble que nous soyons plus intuitifs quand il y a une bonne atmosphère entre les gens qui travaillent ensemble. Comment l’expliquer ?
Par un effet d’entraînement. De nombreuses recherches montrent que quand les gens travaillent ensemble pour un but commun, leurs ondes cérébrales se synchronisent. Plusieurs études faites par l’Institute of Noetic Sciences concernent des couples : l’un envoie des intentions de guérison à l’autre; durant cette période, leurs ondes cérébrales, leur rythme cardiaque, les réactions galvaniques de leur peau, se synchronisent. C’est comme si les deux corps ne faisaient plus qu’un. Les travaux du PEAR (Princeton Engeenering Anomalies Research) suggèrent également que plusieurs personnes qui ont la même pensée en même temps créent un effet plus puissant qu’un individu seul.
Avez-vous des exemples d’études qui démontrent cette puissance de la coopération ?
Il y a une étude sur les musiciens de jazz qui montre que quand ils commencent à jouer ensemble, leurs ondes cérébrales opèrent dans une synchronie complète. Une autre a été faite sur les avironneurs d’Oxford : elle montre que lorsqu’une équipe rame ensemble, ses membres ont un seuil de tolérance à la douleur plus élevé que lorsque chacun rame individuellement. Enfin, une troisième étude porte sur les affirmations positives du type « je suis beau », « je vais avoir une journée formidable » etc…- Ils l’ont fait avec des sportifs et ils se sont rendus compte que quand on remplaçait le « je » par nous, – « nous sommes beaux », « nous allons gagner » etc…- le groupe faisait mieux, et chacun individuellement avait de meilleures performances qu’en employant le « je ». Je pense que nous sommes programmés pour agir collectivement, en tant que groupe.
La coopération est donc plus importante que la compétition pour maximiser les bénéfices d’un système ?
Absolument. Nous sommes programmés pour être coopératif. La nature ne nous a pas formés pour que nous soyons des compétiteurs, mais pour que nous nous connections. Nous sommes plus forts lorsque nous nous connectons. Un exemple parfait de cela est une étude de Microsoft, où ils avaient créé de petits groupes qu’ils avaient mis en compétition : cela créa une situation basée sur la peur, à tel point que cela empêcha l’innovation. A l’inverse, dans des endroits comme Google, ils encouragent le travail de groupe et si quelqu’un trouve quelque chose, tout le groupe est récompensé. Cela crée un bon esprit de coopération, favorable à l’innovation.
Pourquoi est-ce important selon vous d’accéder à cette information au-delà des sens ?
Nous ne voyons que notre intérêt à court terme, c’est l’un de nos problèmes. Nous avons besoin de voir la totalité si nous voulons être plus coopératifs. Etre intuitif permet de voir la totalité. Et si nous avons plus d’informations, nous pouvons aussi mieux comprendre le point de vue d’autrui. Il ne s’agit pas seulement d’être plus intuitif pour s’amuser ou pour épater la galerie ; il s’agit d’apprendre à capter l’information qui est au-delà de nos sens pour avoir une vision aérienne qui nous permette de mieux comprendre l’autre, et le monde qui nous entoure.
Note : Nous remercions Yves Wauthier de l’APEC et Jean-Michel Gurret de l’IFPEC de nous avoir permis de réaliser cette interview.
Cette interview est une reprise de l’article publié sur le site d’iRiS que vous pouvez trouver en cliquant ici